Jean Hegland - "Dans la forêt" : Un huis clos envoûtant et viscéral
Mon avis
Quand la technologie vacille sans raison claire, et que la civilisation s’effondre avec l’épuisement des énergies fossiles, tout vacille. Nelle et Eva, deux sœurs élevées à l’écart du monde, dans une maison nichée au bord de la forêt, se retrouvent livrées à elles-mêmes. Orphelines et isolées, elles devront survivre seules. Mais jusqu’où la volonté suffit-elle à tenir debout ? Et que deviennent les rêves lorsqu’ils sont brisés par la nécessité ?
Ce roman se présente comme un journal de bord, témoin du basculement d’un monde. Il nous entraîne dans une immersion totale aux côtés de Nelle et Eva, jeunes filles aux prises avec une réalité de plus en plus rude, marquée par les pénuries, la peur, les doutes mais aussi par une résilience farouche.
On plie avec elles sous le poids du manque, on vacille dans leurs révoltes, on s’émeut de leurs gestes d’adaptation. Leur lien, fusionnel et parfois explosif, porte en lui quelque chose de brut, d’instinctif. La tension entre l’amour sororal et le besoin vital de prendre ses distances ne cesse de vibrer. Et pourtant, dans l’adversité, tout les ramène inlassablement à leur noyau commun : la survie.
Peu à peu, la nature — d’abord silencieuse, presque décorative — prend le devant de la scène. Elle devient une alliée précieuse, une entité vivante et nourricière, à apprivoiser. Ce renversement du regard est l’une des grandes forces du récit. L’humain n’est plus maître : il apprend à écouter, à observer, à se fondre dans ce qui était auparavant périphérique.
L’écriture de Jean Hegland est lente, patiente, presque contemplative. Elle laisse le temps à l’émotion de s’installer, aux sensations de se déposer. Certaines scènes dérangent, bousculent, troublent. Je ne m’attendais pas à tant de franchise, et j’ai ressenti parfois un malaise. Mais qui serions-nous pour juger des gestes de survie quand tout repère a disparu ?
Ce huis clos féminin est aussi une critique lucide de notre dépendance au confort moderne, de notre fragilité face à l’effondrement. Il révèle à quel point l’autonomie est un apprentissage oublié, et combien le retour à l’essentiel peut être douloureux, mais salvateur.
Nelle et Eva ne nous offrent pas simplement un récit : elles nous tendent un miroir. Un miroir sans complaisance, mais chargé de beauté, de peur et d’instinct. Une véritable leçon de vie.
Petit à petit, la forêt que je parcours devient mienne, non parce que je la possède, mais parce que je finis par la connaître. Je la vois différemment maintenant.
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