SHENG Keyi - "Un paradis" : Un récit critique et engagé
Mon avis
Shangai, une jeune femme naïve et mentalement fragile, pousse les portes d’une clinique clandestine dédiée aux mères porteuses. Dès les premières pages, nous sommes happés par une atmosphère troublante, clinique et presque irréelle. À travers ses perceptions floues, ses sensations à vif, le lecteur s’enfonce dans un univers déshumanisé, entre dystopie glaçante et réalité bien trop plausible...
Très vite, le malaise s’installe. Les femmes sont réduites à de simples fonctions reproductives. Rebaptisées de noms de fruits et affublées d’un numéro, elles perdent toute identité. Dans ce huis clos organisé jusqu’à l’absurde, le règlement intérieur est implacable : il faut produire un enfant “conforme”, au mépris du corps et de la dignité.
Mais derrière les murs froids et les règles arbitraires, des personnalités émergent. Certaines se soutiennent, d'autres s'affrontent. Les rapports humains oscillent entre solidarité contrainte et rivalités feutrées. On découvre, peu à peu, un microcosme où l’émotion survit malgré l’enfermement.
La direction de la clinique, quant à elle, est profondément corrompue. Ce pouvoir autoritaire se nourrit de manipulations et d’échanges de faveurs sordides. Les corps deviennent monnaie d’échange. C’est violent. Brutal. Injuste.
À travers ce roman dérangeant, Sheng Keyi signe une critique frontale et lucide de certains aspects de la société chinoise. La thématique du contrôle des naissances, déjà controversée, y est poussée à l’extrême. Le lecteur, pris à témoin, vacille entre colère, effroi et compassion.
Heureusement, les sublimes illustrations à l’aquarelle viennent contrebalancer l’aspect oppressant du récit. Elles insufflent une douceur inattendue, un souffle de poésie dans ce tableau sans concession.
Un roman féministe, déroutant, qui bouscule les repères et réveille les consciences. Dans la lignée de La Servante écarlate, ce récit fait l’effet d’un électrochoc.
Ils font rouler mon lit jusqu’à la salle d’opération. Avec un bâtonnet de coton, on m’enduit d’un liquide à l’odeur entêtante. Une aiguille dans le bras, une autre dans le dos. Les instruments s’entrechoquent dans un bruit métallique. J’entends : ‘broyer’, ‘démembrer’… puis le noir.

Commentaires
Enregistrer un commentaire
Merci pour votre Commentaire